Frog Fractions (PC, 2012)

Frog Fraction est un jeu flash éducatif qui consiste a attraper des mouches et autres insectes avec une grenouille pour apprendre les divisions.

A sa sortie, le jeu a reçu un accueil critique très positif, avec comme running gag de ne jamais dévoiler pourquoi les gens l’ont apprécié. C’est une expérience plutôt sympa a faire sans spoilers, et ça se termine en une heure, donc je vous conseille plutôt de l’essayer a l’aveugle via la version Steam, c’est gratuit (tous mes screen sont d’ailleurs issus de cette version). Il y a également un DLC « chapeau » qui est indispensable après l’avoir terminé une première fois mais on en parlera dans un autre article.

La version flash originale.

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C’est bon, vous y avez joué ou vous vous moquez des spoilers?

Frog Fractions commence donc sur un postulat clair : une grenouille, des insectes, des fruits a protéger qui nous donneront des points permettant d’acheter des améliorations. On voit très vite que quelque chose cloche quand ces améliorations consistent en la transformation de notre amphibien en cyborg.

On troque rapidement notre nénuphar contre un dragon rappelant Space Harrier, pour esquiver les projectiles des insectes (oui les insectes nous tirent dessus, et alors?).
Parfois, au lieu de se défendre via le click, il faut taper des mots de plus en plus compliqués, jusqu’à devenir quasiment impossibles.

La première augmentation, l’œil cybernétique, permet de viser automatiquement les ennemis. La seconde permet de le retirer. La troisième, de le remettre. On assiste alors a un débat philosophique entre les deux améliorations sur le bien fondé des deux propositions.

« La visée automatique me permet de concentrer mon attention sur les choses qui comptent vraiment, comme mes enfants, ou décider quels insectes ont besoin de mourir en premier. »

Au bout d’un moment, ils cherchent un endroit où manger ensemble après le boulot.

« Au pire, on pourra aller prendre des gaufres surgelées a Max’s, c’est ouvert 24/24 »

Pour enfin expliquer qu’ils ne peuvent pas partir tant que notre grenouille n’est pas prête à avancer dans l’intrigue.

« Parce que la grenouille n’a pas encore fait les changements nécessaires pour atteindre le prochain niveau d’augmentations. »

Que faire alors pour atteindre la dernière amélioration qui coute 25000 fruits? C’est simple ! Tous les fruits qu’on a pas pu récupérer sont tombés dans le lac, sous l’eau. En les récupérant, on gagne « a peu près un milliard » de monnaie, ce qui nous permet d’atteindre l’amélioration suivante pour que le dragon aille « vraiment où il veut ».

Comprenant la vacuité de ne faire que répondre aux agressions, notre grenouille amène le combat a l’étape supérieure. Aller directement attaquer les insectes chez eux ! Le dragon nous permet de nous rendre directement sur leur planète, Insecte-Mars, dans une séquence rendant hommage à Star Fox où on doit esquiver des météorites.

Malheureusement, on se fait vite attraper, et c’est notre procès. La seule solution? Obtenir la nationalité « insecte-martienne » et travailler pour eux. Après un test de naturalisation sous forme de visual novel, le job est a nous.

Mais notre grenouille n’est pas aussi facile à berner. Au détour d’une journée de travail, elle trouve un moyen de s’enfuir en explorant des cavernes sous marines.

Une narration sur l’histoire de la boxe se fait entendre pendant notre exploration, venant de la TV d’un cinquantenaire homme poisson.

Une aventure textuelle et un jeu de rythme plus tard, notre grenouille parviens à devenir le président de Insecte Mars par la seule force de ses pas de danse.

Le boulot de président consiste à sauver l’économie en produisant du porno insecte via une interface d’Apple 2. Si cela ne fonctionne pas? Pas de problème ! Il suffit de renflouer les caisses en réimprimant de la monnaie.

Lassée par son boulot, notre grenouille s’enfuit de nouveau dans un lac, et disparait pour de bon. Le jeu se termine sur une séquence de crédits de fin montrant du « porno insecte » censuré sur une musique référençant la fin de Matrix.

J’ai développé ici au minimum mais il reste pas mal de petites subtilités a découvrir en terme d’humour, n’hésitez pas a l’essayer et comme j’ai déjà dit, c’est gratuit.


…Que dire de plus sur Frog Fractions? Déjà, je pense qu’il « fallait être là », a l’époque des jeux en flash. Pour expliquer la blague, il faut définir le contexte : avant l’arrivée des jeux en ligne gratuits élaborés tels League of Legends et l’explosion des réseaux sociaux, les petites occupations passagères étaient comblées par de petits jeux via navigateur, généralement très courts (moins d’une heure) dont le but immédiat était de présenter un concept rapide reprenant souvent un jeu plus populaire (plate forme, puzzle, etc). Ces jeux étaient développés avec le logiciel « Flash Player » développé par Adobe, qui permettait d’intégrer des animations dans des navigateurs internet, d’où le nom. Ce format a été grandement popularisé par le site d’animation Newgrounds a la fin des années 1990 (dont le créateur est plus connu par les non initiés pour Castle Crashers ou Alien Hominid, deux jeux reprenant son style graphique très particulier), et beaucoup de développeurs indépendants actuels se sont fait la mains sur ce format, comme Edmund Mc Millen (The Binding of Isaac, Super Meat Boy) ou la série des Trials.

Alien Hominid, le premier jeu flash ayant eu une sortie officielle sur console (ici sur PS2).

Du fait de la popularité du format, le développement de jeux flash était devenu une norme pour la plupart des sites, quels qu’ils soient. On pouvait trouver des jeux de quizz ou des mot croisés sur des sites comme celui de France 2 ou Paris Match, ou des petits jeux de plateforme reprenant les personnages de dessins animés sur le site de Tfou (comme un jeu Totally Spies auquel j’ai beaucoup trop joué a l’époque, voilà). La plupart des sites servaient aussi pour occuper les enfants a la maison, ce qui a entrainé une demande massive de jeux a la prétention éducative. Jeux pour apprendre à compter, a lire, pour apprendre les animaux… Il y avait de tout. Souvent des produits mal finis, a l’intérêt un peu discutable, mais qui pouvaient servir de baby-sitter pendant un petit moment et largement plébiscité car gratuits/faciles d’accès. Pour donner un ordre d’idée, c’est les ancêtres (en beaucoup moins controversés) des jeux mobiles actuels.

Petite vidéo sur le sujet.

Frog Fractions se présente donc comme un jeu flash éducatif mal foutu, a l’intérêt incertain, avant de se révéler comme un produit sarcastique parodiant différent genres. Selon les paroles du créateur, Jim Crawford, il n’a jamais eu l’intention de faire une parodie mais un hommage aux jeux de son enfance avec un humour un peu plus adulte : ce petit jeu flash fait sur son temps libre était avant tout destiné a être un gag mis à disposition sur son blog personnel pour ses amis, avant d’exploser en popularité. Il accepte depuis que son jeu soit considéré comme une parodie grinçante, si c’est ce pour quoi les gens l’apprécient (selon ses mots, une bonne application du principe de la mort de l’auteur). Pour reprendre la conclusion de cet article, Frog Fractions est en tout point conscient de ses limitations, son seul but étant d’être une absurdité qui amusera le joueur : si on le prends pour ce qu’il est, le contrat est rempli.

Il existe 2 suites a Frog Fractions. Le second jeu est appelé Glittermitten Grove, qui se cache encore une fois dans un autre jeu, un clone de Terraria/Minecraft cette fois ci. Le troisième jeu est caché dans le DLC de la version Steam du premier jeu, en achetant un chapeau pour notre grenouille. Je reparlerais de ces deux jeux une autre fois !

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