The King of Fighters (1994-2003)

SNK (Shin Nihon Kikasu, c’est à dire « le nouveau projet japonais ») est un éditeur/développeur de jeux vidéos fondé en 1973 par l’ancien boxeur pro Eikichi Kawasaki, célèbre dès les années 80 pour ses productions de haute qualité en arcade comme Psycho Soldier, Ikari Warriors, Sasuke vs Commander ou Vanguard. A la fin des années 80, l’entreprise inaugure ses bornes « MVS », permettant de switcher de logiciel a volonté sans changer le système entier, qui leur permirent d’avoir un grand succès dans les salles, notamment les plus modestes. En 1991 sort Fatal Fury, leur premier jeu de combat.

Fatal Fury met en scène les frères Terry et Andy Bogard voulant venger leur père, assassiné par le terrible Geese Howard, parrain de la pègre de Southtown. Seul moyen de l’atteindre, participer à un tournoi clandestin organisé par celui ci, le King of Fighters.

Développé en réponse au premier Street Fighter par le créateur de celui ci, « Piston » Takashi Nishiyama, Fatal Fury se prends un revers en sortant quelques mois après Street Fighter II, passant pour une copie voulant surfer sur le succès de celui ci alors qu’il a été crée en parallèle, sans subir son influence. Cela n’empêcha pas la série de devenir très populaire et un des seuls concurrents sérieux dans le genre. Comme la série de chez Capcom qui met à jour sa poule aux œufs d’or avec des versions turbo et super, le second Fatal Fury arrive l’année d’après, et le troisième l’année suivante, chaque épisode apportant son lot d’améliorations et de nouveaux personnages. Terry Bogard deviendra la mascotte non officielle de SNK de part la popularité de son jeu (et aura droit a des tas d’adaptations en OAV, film animé ou manga), et ce encore aujourd’hui, le prouve sa présence dans Super Smash Bros. Ultimate et Street Fighter 6.

En parallèle, sort Art of Fighting en 1992, dont l’action se déroule dans les années 80 (soit dix ans avant Fatal Fury) : Ryo Sakazaki, dont la sœur se fait enlever par Mr Big, chef de la pègre locale, part la rechercher accompagné de son ami Robert Garcia. Le twist final (spoiler) verra Mr Karate, le boss final, être le père de Ryo disparu depuis dix ans. Le jeu se termine sur un cliffhanger.

En 1993 sort Fatal Fury Special, le troisième épisode (considéré comme le premier vraiment bon selon les critères modernes) avec une surprise de taille : Ryo, le protagoniste de Art of Fighting, peut être affronté en boss secret ! et dans Art of Fighting 2, sorti en 1994, le boss de fin est un Geese Howard en début de carrière criminelle qui était responsable du chantage envers le père de Ryo ! Les deux séries sont donc liées depuis le début, dans ce qui représente le premier crossover de l’histoire des jeux de combat (même si le premier crossover au sens où on l’entend aujourd’hui sera en 1996 avec X-Men vs Street Fighter). Dans ces premières productions, on peut voir que SNK appuies beaucoup sur le côté narratif, avec des expériences où le multijoueur n’est pas forcément le focus : Art of Fighting en particulier doit être plutôt abordé comme un hybride de combat-puzzle où il faut analyser le style de combat des combattants pour avancer, et propose donc des coups spéciaux très puissants mais impossibles à placer sans exploiter la faiblesse exacte de l’adversaire.

Renforçant cette volonté d’en offrir pour son argent au joueur, les jeux SNK sont de véritables spectacles : intro contextualisant chaque lieu avant le combat, cinématiques avant, après et surtout pendant le jeu (en montrant la progression du méchant en titre de plus en plus agacé par la victoire du héros), zooms et travelling sur les combattants, effets sonores et musiques ultra travaillés… Ces productions explosent de personnalité et d’ambition artistique, jurant notamment avec tous les autres softs disponibles au même moment qui ne pouvaient concurrencer avec la puissance des hardware SNK. A mon avis, seuls Street Fighter III en 1997 et peut-être Guilty Gear en 1998 réussiront a rivaliser dans ces années là avec l’ambiance globale d’un jeu de combat SNK (soit une poignée d’années après les premiers Fatal Fury).

Bien que j’en parlerais assez peu, il faut aussi citer Samurai Shodown/Samurai Spirits, troisième série de jeux de combat emblématique de SNK initiée en 1993 et se basant sur un Japon du 18e siècle teinté de monstres (yokai) en tous genres, qui est sans doute la plus impressionnante graphiquement. Je vous renvoie vers l’excellent article de « La Faute a la Manette » sur les peintures dans Samurai Shodown pour donner un petit exemple du niveau de recherche visuelle effectué par les équipes d’SNK sur ce projet.

L’illustrateur attitré de la firme, Shinkiro, sera un acteur majeur du succès des licences SNK grâce a son style réaliste et léché qui jure avec l’esthétique « manga » prépondérante des années 80 : il produira les artworks et designs donnant vie aux King of Fighters jusqu’en 2001 (la plupart des illustrations que je posterais ici viennent de lui). Un élément qui se démarque aussi particulièrement est la musique. Composée en grande partie par Tate Norio (pseudonyme de Yamate Yasuo), la bande son des jeux de combat SNK mélange diverses influences, allant du rock, au jazz, a la musique latine jusqu’à la musique classique, s’adaptant thématiquement et géographiquement au combattant qu’elle représente. Je ne pourrais citer tous les artistes ayant travaillés sur les jeux SNK, mais je tenais à mettre ceux deux là en avant.

Durant tout l’article, je posterais ma musique favorite de chaque épisode, en version « arranged » (des réinterprétions officielles avec un vrai groupe pour les portages sur support CD). On commence par le thème de Blue Mary, le bien nommé Blue Mary’s Blues, dans une version chantée exclusive (et son clip) à la version Neo Geo CD de Real Bout Fatal Fury Special, pour continuer sur le thème de Jin Chonshu dans Fatal Fury 3, et enfin sur le thème du « Sieste Café » de Art of Fighting 3.


Fort de ces succès initiaux, SNK se lance dans le marché des consoles de salon. Originellement sortie en 1990 pour équiper les chambres d’hôtel puis disponible pour grand public l’année suivante, la Neo Geo a pour ambition de permettre l’arcade, a la maison, sans compromis. Dans ce but, elle est conçue en corrélation avec les bornes d’arcade SNK pour utiliser les mêmes cartouches de façon interchangeable (AES pour la console, MVS pour les bornes), ce qui permettra au système d’être au top de la technologie, notamment en affichant des graphismes et une animation impossibles pour la concurrence. Malheureusement, cela avait un prix : la console est très chère (plus de 1000€ actuels !) et les jeux coutent également leur pesant de yens (200€ actuels), ce qui fait qu’elle est maintenant nommée « la Rolls-Royce des consoles » ou plus simplement « la console a laquelle on jouait grâce au voisin riche ». Propulsée par les jeux de combats de la firme, elle obtient un grand succès (au moins d’estime), permettant au passage d’importer les softs SNK dans le monde sans passer par les salles d’arcade. Il faudra attendre les consoles 128bits, dix ans plus tard, pour avoir des portages fidèles des jeux Neo Geo.

Une Neo Geo CD sortira en 1994, notable pour ses bande son remaniées avec de vrais instruments (les OST des KOF sont formidables) mais conspuée pour ses temps de chargement interminables qui plombent l’expérience (qui ne sont plus un problème sur émulateur 😉 ). Il n’y a que huit jeux exclusifs en version CD, dont un RPG Samurai Shodown jamais sorti du Japon. Il y aura aussi deux consoles portables, la Neo Geo Pocket et la Neo Geo Pocket Color, entre 1998 et 2001, avec une ludothèque sympathique, mais qui n’ont pas fait grand bruit. La Neo Geo AES, par son aura de luxe et de prouesse technique, reste une console légendaire a ce jour, qui a beaucoup de fans dévoués (et des jeux extrêmement couteux, propices a de nombreuses contrefaçons…).

Bien qu’elle soit toujours impressionnante trente ans après, la Neo Geo demeure une console basée sur les jeux d’arcade, ne proposant donc pas énormément de variétés dans sa ludothèque (156 jeux en 14 ans, pour énormément de suites assez interchangeables sans un œil aguerri). Soyez averti que ce n’est pas pour tout le monde.


Je ne parlerais pas, ou très peu, du gameplay de la série King of Fighters, mon objectif n’étant pas de faire une analyse approfondie sur ce point. Dans le doute, il faut jouer à KOF 98, KOF 2002, KOF XIII (le dernier en 2D) ou KOF XV. Les quatre sont facilement trouvable sur consoles modernes et PC. Sources ici.

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