Sinistar (Arcade, 1983)

Développé par Williams Electronics (éditeur culte de flippers qui publiera plus tard Mortal Kombat sous l »appellation Midway) et se présentant de premier abord comme un shoot’m up classique, Sinistar met en scène un vaisseau minier en plein travail pour récupérer des cristaux de siniste, une source d’énergie extraordinaire qu’il récoltera en détruisant des astéroïdes. Des vaisseaux ennemis essaient de prendre les cristaux avant que le joueur ne les récupère. Récupérer ces cristaux et tuer les ennemis permet d’accumuler des points et faire un high score. Plutôt simple non?

C’est sans compter sur le terrifiant être synthétique éponyme, Sinistar !

Construit par les vaisseaux adverses via l’énergie des cristaux de siniste, Sinistar est le principal ennemi du jeu. Insensible aux tirs, il poursuit le joueur en l’insultant, le traite de lâche, lui ordonne de courir pour sa vie et annonce son arrivée d’un « ATTENTION… JE VIS ». Le premier écho de son nom, d’un « JE SUIS SINISTAR, COURS, COURS ! » permet d’annoncer son arrivée, même quand il est hors écran. On ne sait pas d’où il surgira. Un seul contact avec lui tue le joueur instantanément.

Comment le vaincre alors? Il faut cumuler les cristaux sinistes pour créer des « sinibombes » qui permettront de l’affaiblir peu à peu jusqu’à sa défaite. Il est possible également d’empêcher les ennemis de le construire en les éliminant, où en lançant des bombes sur le Sinistar pendant sa construction. Mais tout cela au détriment de sa propre avancée… La stratégie sera donc d’essayer de récolter le plus possible de ressources sans se faire surprendre par l’ennemi. Une des spécificités du joystick (en plus de proposer 49 directions possibles) est d’avoir une certaine résistance dans les mouvements, ce qui permet de jauger sa vitesse pour bien se placer face aux astéroïdes, mais aussi de faire des erreurs en essayant de fuir Sinistar.

La borne cockpit « stéréo ».

Étant la première borne d’arcade avec un système stéréo, le jeu prends tout son potentiel grâce au son : doublé par un animateur radio des années 50, John Doremus, la voix graveleuse de Sinistar résonne tout autour du joueur via les enceintes, comme un écho qui hanterait ses cauchemars, amplifié par le stress de la survie dans un jeu qui s’avère très difficile tant Sinistar peut apparaitre rapidement et subitement sur l’écran. Son rugissement quand on réussit à l’atteindre avec une bombe où quand il dévore notre vaisseau, signifiant autant la douleur que la haine, restera gravé dans l’esprit de celui qui a osé l’affronter. Arcade oblige, le jeu n’a pas de fin : sans cesse harcelé par les insultes de Sinistar, il aura forcément raison du joueur, tôt ou tard.

Heureusement pour les cardiaques de l’époque, la borne stéréo avec son immersif est relativement rare, la plupart des salles proposant une borne classique.


N’ayant pas rencontré un grand succès en salle pour diverses raisons (certains dénoncent la grande difficulté du titre, un des créateurs parle d’une moins grande affluence dans les salles…), ce manque de popularité initial est surement dû, en plus des raisons évoquées, à l’absence de portages consoles, comme celui sur Atari 2600 qui s’est vu annulé, bien qu’il existe un plagiat/clone micro appelé DeathStar sorti en 1985. Par exemple, une version NES au milieu des années 80 aurait pu, a mon avis, rendre le jeu plus populaire.

Le premier vrai portage sera dans Williams Arcade Classics sur PC-DOS en 1995, puis plus communément dans la Williams Arcade’s Greatest Hits Collection sur Megadrive, SNES et PS1 en 1996, avant d’être disponible dans chaque « Midway Arcade Treasures » sur les générations suivantes. Une suite, Sinistar Unleashed, est sortie sur PC en 1999 mais n’a pas marqué les esprits, reprenant exactement le même concept que l’original mais avec une vue 3D.


Petit aparté sur l’équipe de développement composée d’illustres contributeurs au monde du jeu vidéo, la plupart quittant Williams peu après Sinistar. Robert J Mical, Jack Haeger et Sam Dicker partiront chez Commodore en 1984 pour participer a la création de l’Amiga, tandis que Noah Falstein sera surtout connu pour les deux jeux d’aventure Indiana Jones de LucasArts sur micro-ordinateurs dans les années 90. Richard Witt et Python Anghelo arrêteront les jeux vidéos après la sortie de Star Rider en 1983 (un jeu laserdic en 3D très impressionnant mais qui semble techniquement impossible a émuler, sur lequel Mical a aussi travaillé). Seul John Newcomer, créateur de Joust, restera chez Midway et participera notamment a NBA Jam. Je n’ai malheureusement pas trouvé beaucoup d’informations sur le sound designer, Michael Metz. PS : chaque lien mène a l’histoire du créateur respectif !

Les version CD des compilations « Williams » contiennent des interview exclusives des développeurs, bonus plutôt original pour l’époque.

Même si ça n’a rien à voir avec le schmilblick, je ne peux m’empêcher de partager cette vidéo de Jack Haeger assistant Andy Warhol pour dessiner Debbie Harry sur Amiga.


Sinistar est depuis depuis culte, non pas par son jeu lui même, qui n’offre pas un grand facteur ludique, mais bien par l’impact qu’à eu son antagoniste sur les chères têtes blondes de l’époque. Ses sample de voix sont souvent remixés dans des musiques semblant avoir été inspirées par le stress suscité par Sinistar (j’ai fait une playlist plus bas) où cités dans des dialogues divers en tant qu’easter egg. Il a marqué les esprits, peut-être par l’originalité de son existence en 1983 : un vrai ennemi identifiable, avec une vraie personnalité, un design marquant, des dialogues, et qui donne en plus son nom au titre? Tout comme la saga des Vendredi 13 commencée trois ans plus tôt, le public ne vient pas ici pour voir le héros, de toute façon insignifiant, mais pour acclamer le méchant.

Sinistar apparait également, via la borne, dans le clip d’Almost Over You de Sheena Easton.

Une réflexion sur “Sinistar (Arcade, 1983)

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